Entretien avec le batteur tous azimuts, Manu Katché

Manu Katché, le batteur qu’on ne présente plus, revient sur sa carrière bien rythmée, ses aspirations pour le futur et nous en dit plus sur ses fûts, ses peaux et les secrets bien gardés de chez Zildjian !

Le titre de ton dernier album, Unstatic, est un mot qui n'existe pas dans la langue anglaise, mais c'est vrai qu'il décrit bien ta carrière : de batteur à chanteur en passant par juré pour la Nouvelle Star et producteur de l'émission One Shot Not.

Le mot m'est venu naturellement, mais j'ai tout de même demandé à Jim Watson, mon pianiste anglais, s'il signifiait quelque chose. Je trouvais qu'il m'allait bien, mais il m'a confirmé que ça ne se dit pas ! J'ai des goûts très éclectiques, je n'ai jamais eu aucun plan de carrière, je fais toujours les choses avec envie et désir.

Manu Katché

Si un inconnu vient me présenter son projet et que ça me plaît, pourquoi ne pas l'accompagner ? Je l'ai déjà fait, et ça pourrait encore arriver. Ce qui m'intéresse, ce n'est pas la valeur du chèque à la fin du mois, contrairement à ce qu'on a pu dire à mon sujet.

J'ai eu la chance d'avoir le choix, tout d'abord de travailler en France avec certaines personnes et pas d'autres, pour des motifs personnels, puis de rencontrer Peter Gabriel qui a lancé ma carrière internationale. J'ai beaucoup tourné à l'étranger, en particulier avec Sting, c’était très prenant, à un moment j’ai décidé de calmer un peu les choses, Sting m’a très bien compris.

C'est à ce moment que M6 m'a contacté. Le principe de l'émission: écouter des artistes et donner mon avis m’a plu. J’ai donc accepté. Je suis fier que certains des artistes que nous avons choisis fassent une belle carrière aujourd'hui. Je voulais depuis longtemps faire une émission comme One Shot Not.

Mais pour pouvoir proposer une émission à une chaîne de télévision, il faut déjà avoir un pied dans le milieu. Mon plan a fonctionné, puisque grâce à la Nouvelle Star, j'ai pu animer One Shot Not sur Arte pendant quatre ans, avec une bonne audience. Mais les gens avec qui j'avais signé sont partis à la retraite et les suivants n'ont pas renouvelé le contrat.

C'était très dommage, bien sûr, mais comme je ne suis pas du genre nostalgique, je suis passé à autre chose. J'avais un contrat avec ECM pour des albums solo avec la possibilité de construire une carrière en tant que leader, donc je m'y suis consacré.

Ton envie d'écriture venait également de loin ?

Oui, c'est une activité que j'ai toujours pratiquée. J'ai toujours tenu une espèce de journal à propos de mes rencontres, que je destinais à l'origine à mes enfants. Et puis, un jour, un copain m'a présenté un de ses amis éditeur, qui m'a proposé d'écrire une préface pour un livre sur le jazz.

Je ne me sentais pas légitime pour une telle tâche, mais je lui ai proposé mon « road book », et il a accepté. Je trouvais intéressant de raconter, de la manière la plus détachée possible, les anecdotes qui m'étaient arrivées avec les artistes étrangers depuis les années 1980 jusqu'à aujourd'hui.

Je voulais juste montrer que rien n'est écrit, que quel que soit l'endroit où l'on naît, y compris en banlieue parisienne, on a sa chance. Si on arrive à la saisir, et à travailler suffisamment derrière pour que ça dure, tout est possible. Ce premier livre s'est bien vendu, alors, j'en écris d'autres !

Le premier parlera de mon travail avec les artistes français. Il devrait sortir début 2018. Dans l’autre livre, je parle de « la vie de batteur ». Je raconte mes doutes, mes questionnements et mes influences, j'essaye d'expliquer l'évolution de la manière dont on considère le batteur, depuis mes débuts à aujourd'hui.

Je n'écris pas pour moi, mais pour laisser des traces à partir desquelles d'autres pourront peut-être construire quelque chose. Je trouve important que nous, les artistes, nous laissions des traces. J'ai lu par exemple les biographies de Springsteen et Keith Richards, et je les ai trouvées géniales. Ça permet de découvrir un artiste autrement que par la musique, ça donne pas mal de clés pour mieux comprendre son travail.

Y a-t-il encore un domaine inattendu dans lequel on pourrait te retrouver ?

Oui, j'ai tourné dans un film ! Je suis très fan de cinéma, en tant que spectateur, mais je n'avais jamais imaginé être acteur. Ça s'intitule Blockbuster, réalisé par une jeune fille que j'ai connue tout bébé et dont c'est le premier long métrage. Elle m'a demandé de jouer mon propre rôle, mais de manière farfelue : je suis enlevé par des super-héros !

J'ai trouvé le scénario très drôle, j'ai tourné pendant une journée, j'ai bien appris mon texte, c'était très excitant. Le film devrait sortir au mois de mai, je crois. En tout cas, l'expérience a été très intéressante et ça me plairait bien de la renouveler. Ce qui est certain, c'est que ces expériences multiples et diversifiées m'enrichissent énormément.

Parlons un peu de matériel. Je crois que tu es assez “conservateur”, dans ce domaine.

Tout à fait, j'ai la même configuration de kit depuis les années 1980 ! J'ai un contrat avec Yamaha et un autre avec Zildjian. Chaque année, je reçois un nouveau kit, mais toujours avec deux toms médiums et un tom basse : Recording Series, Oak, PHX, Live Custom... J'utilise toujours les mêmes peaux, avec les mêmes réglages, et je joue sur ma caisse claire Signature.

Je reçois également des cymbales Zildjian très régulièrement, et j'ai une tendance à choisir les Constantinople, pour leurs crashes assez profondes, et j'adore leurs splashs de 6 pouces. Mais dans mon kit, j'utilise toujours six cymbales, pas plus, pas moins. J'ai commencé avec cette configuration en 1986 avec Gabriel, et je n'ai pas bougé depuis.

J'utilise le même kit dans toutes mes formations, rock, pop ou jazz. Je peux ajouter un tom de 10 pouces avec Peter, pour pouvoir jouer certains passages, mais c'est tout. Souvent, on demande à un batteur de prendre telle caisse claire pour avoir tel type de son. Moi, si on me demande de changer de caisse claire, je réponds que ce n'est pas moi qu'il fallait appeler pour cette séance.

Mon son, c'est celui-ci, et je ne change pas. Sur ma caisse claire, le cercle est très épais, les peaux de timbre et de frappe sont très tendues, ce qui provoque beaucoup d'harmoniques et génère un son qui « cut through », comme on dit (qui traverse le mix, NDR). Mes toms résonnent, rien n'est fermé, je ne place pas de gate dessus en studio.

J'ai essayé une grosse caisse de 24 pouces pour la tournée Brand New Day de Sting, pour avoir plus d'infrabasses, mais je ne l'ai pas conservée. Et je dois avouer que j'ai un vrai problème avec la Maple Custom de Yamaha ! Je n'arrive pas à la faire sonner.

Vinnie Colaiuta l'adore, nous en parlons souvent ensemble, mais je ne trouve pas le son, quelle que soit la manière dont je l'attaque ou que je la règle. Sur les autres, avec deux coups de clés, c'est bon, mais celle-là, pas moyen !

Pour les cymbales, c'est différent : j'utilise plusieurs sets selon que je joue plutôt rock ou plutôt jazz, si je suis en studio ou sur scène. Je commence à savoir ce qui fonctionne ou pas.

Que penses-tu de la tendance vintage actuelle ?

Il y en avait déjà une dans les années 1980 ! Mais c'est classique : on a une certaine nostalgie des grands groupes des années 1960 à 1970, des Beatles à Led Zep. On les adore toujours, on cherche à retrouver leur son, donc on cherche des Slingerland, des Asba, des vieilles cymbales.

J'ai bien suivi ta carrière, et je me souviens d'un album de Joe Satriani qui avait en effet quelque chose de très différent grâce à ta présence.

J'ai toujours imposé mon son, parce que c'est moi ! Si tu me mets sur une batterie avec des peaux animales, des toms profonds, une grosse caisse de 24 pouces, une caisse claire de six pouces et des vieilles cymbales, je vais jouer différemment.

On pourrait aussi me demander de jouer sur une caisse claire piccolo, avec une grosse caisse de 18 pouces, pas de crashes, mais des cymbales Ride très ouvertes. OK, ça serait intéressant, mais je jouerais différemment.

Ce qui fait la marque de fabrique d'un batteur, pour moi, ce qui fait qu'on le reconnaît tout de suite sur un enregistrement, c'est son son. Et je crois que les gens ont envie de jouer avec moi pour bénéficier de mon son et de ma sensibilité.

Tu as collaboré à la conception du Junior Kit Yamaha. Peux-tu nous parler de ton rôle lors de ce développement ?

Ça fait très très longtemps que je travaille avec Yamaha. J'ai joué pendant un court moment sur Pearl, lors de la première tournée Amnesty. Ils m'ont prêté un kit au début de cette tournée, et m'ont demandé de leur rendre à la fin... Je leur ai rendu, et le contrat avec. Yamaha est alors revenu me solliciter et m'a fait signer un contrat japonais.

J'ai tout d'abord collaboré avec eux sur ma caisse claire Signature, pour laquelle j'ai juste donné des indications, et sur laquelle je joue depuis. Je crois qu'elle n'est plus fabriquée depuis peu. Ensuite, je leur ai parlé de mon projet de kit junior, parce que j'avais remarqué que beaucoup de mômes ne pouvaient pas jouer sur mon kit, à cause de la taille de leurs bras et de leurs jambes.

Je voulais leur donner la possibilité d'avoir un instrument à leur taille. Pas un jouet, mais un véritable instrument avec le chouette son Yamaha. Ils avaient conçu auparavant un Cocktail Drum avec Steve Jordan, mais il n'était pas destiné aux enfants. Donc nous avons travaillé sur un kit de taille mini à deux toms, un médium et un basse.

Rapidement, nous nous sommes aperçu qu'il était surtout utilisé dans les écoles, et dans les écoles, on travaille sur des méthodes de batterie qui sont basées sur des kits à deux toms médiums. Donc il en manquait un sur notre kit, et c'était très compliqué d'obtenir du Japon qu'ils ajoutent un tom sur un kit existant.

Mais je n'ai jamais lâché l'affaire, j'en parlais chaque année lorsque je me rendais là-bas, et finalement, j'ai eu gain de cause et ce nouveau Junior Kit possède deux toms médiums. Les clubs, dans lesquels il y a peu de place, sont très intéressés par ce kit.

Clyde Stubblefield, qui est malheureusement décédé il y a peu, m'a envoyé un mail disant qu'il trouvait que la grosse caisse est une vraie bombe. La plupart des adultes qui l'utilisent, moi compris, sont étonnés de la qualité du son malgré la petite taille. En plus, c'est une batterie parfaite pour les répétitions.

Quand tu passes des journées entières à répéter sur un kit standard, au niveau du volume sonore, ça finit par être très fatigant. Cette petite batterie, qui possède un volume sonore réduit, est parfaite dans ces conditions : les musiciens en prennent moins dans les oreilles, et les batteurs aussi, et tout le monde finit les journées moins fatigué.

Alors, oui, je touche un pourcentage sur chaque batterie vendue, mais vraiment infime, et je n'ai vraiment pas lancé ce projet pour ça. Je voulais que le kit soit d'un prix abordable, et j'ai insisté pour que la publicité officielle se fasse avec des enfants derrière le kit. La journée de tournage était d'ailleurs un moment sublimissime.

Lors du Namm, le mois dernier, Zildjian a proposé de nouvelles cymbales, les K'Custom Dry. Les as-tu testées ?

Oui, je les ai reçues, mais le Hi-Hat est en 14 pouces et j'utilise des 13 pouces, donc il faut que je le change. En revanche, la Ride est géniale. Elle est assez proche d'une Constantinople, mais moins sombre, moins profonde, elle possède un bon médium. Le son de la cloche n'est pas trop envahissant. Elle est pour moi plutôt jazzy que rock. Je l'ai utilisée lors d'un concert en Belgique, et depuis, je ne peux plus m'en passer. En plus, elle a un super look, martelée, un peu vieillie…

Un avis sur la nouvelle batterie Yamaha Recording Custom ?

Non, pas encore testée ! Mais je n'ai pas de doutes sur la qualité. Le kit a passé les époques. J'étais un fan de ce kit quand il est sorti, et il était effectivement très bien adapté au studio, sauf que c'était difficile de varier les sons. En revanche, la Birch, je l'ai beaucoup utilisée en studio, j'ai essayé pas mal de peaux, et je la trouvais plus polyvalente, proposant plus de marge de manœuvre au niveau de l'accord.

Qu'attends-tu des marques, en général ?

Pour Yamaha, je voulais clairement pouvoir jouer partout dans le monde sur un kit identique au mien si je ne pouvais pas le faire voyager. Et les cymbales, ça coûte tellement cher que je cherchais vraiment un contrat pour faire des économies ! Lorsque Zildjian m'a proposé de signer avec eux, il y a trente ans, je ne pouvais pas refuser.

La marque a toujours été mythique pour moi, tous les batteurs que j'aimais jouaient dessus, à commencer par Tony Williams, et lorsque j'ai découvert l'étendue de leur gamme, je suis devenu dingue.

Aujourd'hui, quand je vais à l'usine, c'est magique : je suis accompagné par un type qui pousse un gros chariot, je me promène entre des millions de cymbales, j'en mets un certain nombre dans le chariot, puis je les essaye sur un kit complet. C'est formidable. Il faut savoir que dans l'usine Zildjian, il y a un lieu secret. Même les filles d'Armand Zildjian (qui gèrent aujourd'hui la marque, NDR) n'y pénètrent pas.

C'est l'atelier de finition, dans lequel travaillent un homme et son assistant. On ne voit pas ce qui s'y passe de l'extérieur. Est-ce qu'ils chauffent les cymbales, les martèlent ? Personne ne le sait, mais c'est vrai que les cymbales Zildjian ont un son bien à elles. Peut-être que c'est grâce à ces deux hommes.

Quant aux peaux Remo, elles me permettent simplement d'obtenir le son que je veux ! Je les change après chaque gig, ou toutes les une ou deux séances, donc c'est un gros budget, et je suis ravi d'en avoir autant que nécessaire à ma disposition sans avoir besoin de me rendre dans un magasin.

Les baguettes, de la même manière, j'en casse beaucoup, Zildjian en fabrique et m'en envoie régulièrement, c'est super, et ils ont fabriqué exactement le modèle que je voulais :vernis, taille, diamètre, ping, poids…

Mais on ne t'a pas vu dans les couloirs du Namm…

Non, je ne suis pas fan, j'avoue. Je ne suis pas un « Drummer's Drummer », je ne suis pas capable de faire, comme Vinnie ou d'autres, une démonstration qui met tout le monde par terre. Vinnie, je l'adore, humainement et artistiquement, mais pour d'autres que je ne nommerai pas, quand ils jouent dans des salons, on s'en prend plein la tronche, on est plus dans le domaine du cirque que de la musique, et je ne vois pas l'intérêt.

Je n'ai pas du tout la même vision de l'instrument que ces gens-là. Yamaha m'a proposé de faire des masterclass pour eux dans le monde entier, et d'habitude je refuse. Celles que j'avais faites aux États-Unis dans les années 1980, dont je te parlais tout à l'heure, m'avaient donné l'impression que les étudiants de l'époque attendaient de la démo technique qui laisse sur le cul plutôt que de la musique.

Là, pour Yamaha, je n'ai pas encore accepté, mais je n'ai pas dit non. Parce que je crois que pas mal de gens peuvent aujourd'hui être intéressés par ce que j'ai à proposer, peuvent entendre ce que j'ai à dire.

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