Les orgues vintage : le cas du Vox Continental

Quand on gère une petite boutique d’instruments vintage, on ne sait jamais sur quel trésor on va tomber. C’est exactement ce qui m’est arrivé lorsque mon téléphone a sonné un après-midi, il y a quelques années.

Un certain Jerry Scott m’appelait pour me dire qu’il avait un orgue combo Vox Continental à vendre. Ce coup de fil fut le déclencheur de ma passion pour les orgues combo.

Étant guitariste depuis toujours, j’ai toujours été plutôt attiré par le matériel vintage lié à cet instrument. Mais Scott venait de piquer ma curiosité en me disant, « C’est le même modèle que celui qu’utilisaient les Doors ».

Avant toute cette histoire, je ne savais même pas ce qu' « orgue combo » voulait dire. Je pensais que c’était une combinaison d’un orgue et d’autre chose. En fait c’est un orgue de scène portatif destiné à être utilisé dans une formation en « combo », le mot anglais pour désigner un groupe de musique.

La première fois que j’ai vu le Vox Continental de Jerry j’ai vraiment été surpris par son look. Des touches avec des couleurs inversées, les touches blanches de couleur noire et les noires de couleur blanche. Sa couleur orange et ses pieds chromés en forme de Z achevaient le look cet orgue qui sortait de l’ordinaire. On aurait dit un œuvre d’art contemporain.

Jerry me raconta après m’avoir vendu l’orgue qu’il avait joué avec dans un groupe lorsqu’il était adolescent. Le nom du groupe était Crystal Rain et il y joua du clavier de 1969 à 1971.

The Crystal Rain, 1970. De gauche à droite : Bill Moan, Chuck Hodell, Jerry Scott avec son Vox Continental, Ralph Wilson

Le groupe répétait dans le salon des parents du batteur repeint dans des couleurs psychédéliques et se rendait aux concerts à bord d’une ancienne ambulance Cadillac de 1956 rouge et blanc. C’était la belle époque et le son du Vox Continental aida beaucoup leur groupe à décoller à l’époque.

Vox est, bien sûr, une entreprise connue pour ses amplificateurs qui ont marqué la scène rock anglais des années 1960. Reconnus pour la qualité de leurs circuits et pour leur look moderne, les AC15 et les AC30 furent des modèles utilisés par les Beatles, Jimmy Page ou encore les Kinks.

Au-delà des amplis, Vox a également été reconnue pour certaines guitares au design hors du commun comme la Teardrop Mark VI ou la Phantom VI.

Mais l’entreprise anglaise a débuté dans les années 1940 en fabricant des orgues. Vox décidera au début des années 1960 de revenir à ses racines et de proposer un orgue répondant à une demande de l’époque : rentre le matériel portable.

La production du Vox Continental débuta vers 1962. Son design est un bel exemple du style de l’époque porté par le travail d’Eero Saarinen et ses fameuses chaises.

« 1962, c’était le début de la conquête spatiale » écrit Robert MacNutt, le fondateur du fabuleux site Combo-Organ.com. « Tout le monde avait l’espace en tête, le Vox Continental était cool et futuriste dans son design. » Fort heureusement pour Vox, il sonnait aussi bien que son design le laissait sous-entendre.

Ce qui fait le Vox Continental c’est sa simplicité : 49 touches, six tirettes pour changer de son et un interrupteur pour le vibrato. Il n’y a pas de second registre ou de section basse.

Sous le capot, on retrouvait ce qui se faisait de mieux en terme d’électronique à transistors. Les sons étaient générés par 12 oscillateurs accordables. Aucun problème pour accéder au circuit, il suffisait de retirer quelques vis pour accéder à l'électronique.

Catalogue Vox, 1969. Paul Revere & the Raiders.
De gauche à droite, Mark Lindsay, Paul Revere

Beaucoup de personnes ont essayé de décrire le son du Continental. Dans son livre Vintage Synthesizers, Mark Vail le décrit comme délicat et tranchant. Dans le même livre, Barry Carson le défini lui comme « fin et fluet ».

Peu importe comment on choisit de le définir, le son du Continental est capable de percer au milieu du son d’une guitare électrique comme le ferait un clairon.

On retrouve le Vox Continental sur bon nombre des meilleurs morceaux de rock comme « House of the Rising Sun » des Animals ou encore le morceau « Inna Gadda da Vidda » de Iron Butterfly. Ray Manzarek en utilisait un sur les premiers albums des Doors.

Durant ses dix années de fabrication, le Continental fut d'abord fabriqué en Angleterre, puis en Italie et enfin aux Etats-Unis. La principale différence de pays de fabrication se retrouve au niveau du clavier, les touches des modèles anglais et américains sont en bois recouvert de plastique, les modèles italiens ont eux des touches entièrement en plastique.

Même si la majorité des Continentals furent fabriqués en Italie, les fabrications anglaises et américaines sont souvent considérées comme étant de meilleure qualité que ce soit au niveau du clavier en bois ou du circuit électronique.

Dès 1965, la compétition débuta et le marché s’ouvra à de nouveaux modèles. Farfisa introduisit sur le marché des orgues le Combo Compact, proposé à un prix bien inférieur de celui du Continental.

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Rapidement, des dizaines d’autres fabricants proposèrent leurs modèles dans toutes les couleurs possibles. Gibson avait le G101, Fender le Contempo, même Teisco proposa son modèle d’orgue combo. Le Continental et le Farfisa représentent quand même plus de 70 à 70 % des orgues vendus à l’époque.

Les amateurs des orgues combos ont souvent des avis tranchés entre le Vox Continental et le Farfisa, il est vrai qu’il est parfois difficile de différencier les deux en écoutant des enregistrements.

Écoutez par exemple l’orgue sur le morceau « 96 Tears » du groupe Question Mark and the Mysterians. Est-ce un Farfisa ou un Continental ? J’ai eu Booby Balderrama, le guitariste de ce groupe au téléphone, il a clos un débat vieux de 50 ans une fois pour toute.

Il m'apprit que Frank Rodriguez, l’organiste du groupe avait apporté son Farfisa pour l’enregistrement de « 96 Tears », mais l’ingénieur du son n’arrivait pas à se débarrasser d’un buzz en provenance du Farfisa.

Il proposa donc à Frank de jouer sur le seul autre orgue disponible ce jour-là dans le studio, c’était un instrument aussi gros qu’un meuble, un Thomas. Rodriguez joua donc sur tout autre chose qu’un Farfisa ou qu’un Continental, comme quoi il est vraiment difficile de distinguer un orgue d’un autre.

Avec le succès grandissant du Continental, Vox continua d’améliorer et de modifier le design de leur clavier, créant une véritable gamme, avec des modèles plus simples et d’autres plus poussés.

Le Super Continental est, par exemple, équipé de deux registres et d’une section basse alors que le Jaguar est une version économique du Continental. Vox étant Vox, il exista également des versions plutôt étranges comme le Vox Guitorgan (l’électronique d’un Continental dans le corps d’une Phantom VI) et bien sur la Voxmobile (une voiture en forme de Vox Phantom IV avec un Super Continental construit dans le coffre.

Au début des années 1970 l’âge d’or des orgues combo était définitivement terminé. De nombreux nouveaux modèles de claviers et les premiers synthétiseurs gagnaient du terrain. Certains modèles étaient pourtant parfois terriblement lourds. Le Hammond B-3, le Fender Rhodes, le Hohner Clavinet, le ARP et le Moog sont des modèles qui ont détrôné l’orgue combo.

Vox stoppa la production du Continental en 1972. MacNutt pense qu’environ 10 000 modèles furent produits. À la fin des années 1970, les Vox Continental et les orgues combo en général se vendaient à des prix très bas. On pouvait trouver n’importe quel modèle pour 70 € ou même parfois pour rien sur une pile de déchets.

Le Vox Continental connu pourtant un regain d’intérêt à la fin des années 1970. Le Continental se retrouva sur scène au côté de groupes New Wave comme Madness, les Specials ou encore Elvis Costello & the Attractions.

Le Vox Continental et les orgues combo en général sont resté populaires et sont maintenant recherché. Un Continental se vend par exemple facilement entre 800 € et 3 000 €.

Un Vox continental complet avec ses pieds en Z, sa pédale de volume et sa caisse pour les pieds et la pédale sont très recherchés. Le Continental le plus cher jamais vendu appartenait à John Lennon, il l’avait utilisé lors du concert des Beatles au Schea Stadium en 1965, son prix de vente : 160 500 €.

Et si vous vous demandez encore comment sonne un Vox Continental, écoutez « Light My Fire » des Doors. Mais prenez garde, il se pourrait que vous deveniez accro aux orgues vintage, tout comme moi.

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