Rencontre avec Arnaud Rebotini, César de la meilleure musique originale

Depuis maintenant plus de vingt ans, Arnaud Rebotini électrise les clubs et la scène électro française grâce à ses sets acérés, analogiques et immédiatement identifiables.

Music Components, 2008

Après avoir formé son premier duo « Black Strobe » à la fin des années 90, il sort en 2008 son premier album solo Music Components. Entièrement composé et enregistré avec du matériel analogique. L'ensemble est une véritable ode aux machines vintage qui fleurent bon le plastique et les formats de synchronisation obscurs.

En mai 2011, c’est au tour de son album Someone gave me religion d'être pressé. Depuis, Arnaud Rebotini a travaillé sans relâche sur de nombreux projets avec le « Groupe de recherches musicales » (ou GRM) ou encore avec le réalisateur Robin Campillo sur deux de ses films.

C’est d’ailleurs pour le travail effectué sur la musique de « 120 battements par minute » qu’Arnaud Rebotini vient de recevoir la récompense la plus incroyable à ses yeux : le César de la meilleure musique originale.

Arnaud Rebotini par Frank Hédin

Alors, quel effet ça fait d’avoir un César ?

C’est une expérience absolument énorme. C’est le top en terme de récompense musicale qu’il est possible d’obtenir en France. Ton nom se retrouve tout à coup inscrit à côté de ceux de grands compositeurs français et internationaux qui ont eux aussi eu des Césars.

J’ai eu beaucoup de chance de pouvoir participer à un film qui a pu mettre ma musique en avant. C’est aussi une vraie chance dans le sens ou le film a marché et a pu par la suite prétendre à ce prix. Si le film ne marche pas, tu as beau faire la plus belle musique du monde, c'est comme ça.

120 battements par minute de Robin Campillo

Créer la musique d’un film, c’est quelque chose que tu avais en tête depuis longtemps ?

J’ai souvent eu des contacts avec des réalisateurs, mais c’était plutôt pour apporter ma musique en complément, par petites touches. Par la suite, Robin Campillo est venu me voir pour « Eastern Boys », c’était la première fois que je travaillais vraiment sur une musique de film complète. C’est donc assez naturellement que j’ai ensuite travaillé avec lui sur « 120 battements par minute ».

Comment est-ce que tu abordes ce type de travail ? Est-ce que tu as des lignes directrices, des contraintes techniques ?

Il y a effectivement des contraintes, mais elles sont ici justement très intéressantes. En fait, tu viens répondre au désir d’un réalisateur.

Le travail que j’ai pu faire pour Robin Campillo sur ses deux films en est un très bon exemple, il a des idées très précises, sur le type d’instruments, sur les thèmes qu’il souhaite avoir. Au final, il apporte surtout un vrai cahier des charges et il faut savoir y répondre.

Pour « 120 battements par minute, il m’a commandé le fameux battement, le thème de flûte et ensuite les morceaux plus « club ». On a ensuite décliné la musique à partir de ses choix et de ses désirs, il avait des références très précises, en particulier en ce qui concerne la musique de club. Le réalisateur reste le metteur en scène et le metteur en son, c’est lui qui a le dernier mot.

120 Battements Par Minute - Smalltown Boy (Arnaud Rebotini Remix)

Sur cette B.O comme sur l’autre, on retrouve des morceaux plus acoustiques, est-ce que l’utilisation de ce type d'instruments est important pour toi ?

C’était une pratique que j’avais développée dans les années 2000 autour d’un projet qui s’appelait « Zend Avesta ». Musicalement, c’était un mélange de musique électronique et d’acoustique avec des références plus ou moins lointaines avec la musique française contemporaine de compositeurs comme Claude Debussy ou Maurice Ravel.

Robin a adoré et c’est en référence à ce travail, sortit sur le disque Organique, qu’il a ensuite formulé ses demandes. J’ai pris beaucoup de plaisir à travailler de nouveau de cette façon. J’aime beaucoup avoir ce mélange de synthés et de musique acoustique.

Une BO de film qui t’a marqué ?

Sans hésiter, celle de Le Casanova de Fellini composée par Nino Rotta. C’est une B.O vraiment incroyable. Je suis très porté sur les musiques du cinéma italien des années 70, j’adore.

Est-ce que tu as souvenir de ton premier instrument électronique ?

Le premier est en fait multiple. À l’époque, il fallait en avoir plusieurs pour pouvoir travailler. J’ai eu au tout début un Roland SH-101, que j’ai toujours, un JX-8P et un Akai S950. Dans les années 90, il fallait obligatoirement avoir un sampler, les synthés communiquaient moins entre eux que maintenant.

Quand tu avais un SH-101 ça coûtait hyper cher de le faire modifier pour qu’il puisse accepter le MIDI. Pour compliquer l’affaire, j’ai une TR-909 avec une EPROM qui a un bug, c’était la première série. La synchro MIDI ne fonctionne pas, elle se décale, mais je suis habitué maintenant.

Si tu devais choisir un seul de tes instruments pour définir ton son, ce serait lequel ?

Arnaud Rebotini entouré de ses machines

Ça dépend de l’utilisation que je veux en faire, dans mon live techno, je dirais que c’est le SH-101, j’en ai deux sur scène. Il fait partie de mes synthés préférés même s'il n’a pas la classe ou la noblesse d’un Mini Moog ou d’un Arp Odyssey. C’est un petit synthé des années 80 qui est au final ultra versatile, tu peux l’utiliser en live. Il a un séquenceur interne, un arpégiateur et un super son que j’adore et auquel je suis très attaché.

Tu as fait des choix particuliers en terme de matériel sur 120 battements par minute ?

Sur la musique de 120 battements par minute, il n’y a pas du tout de SH-101. J’ai utilisé très peu de synthés analogiques. Le film se situant entre 1993 et 1995, j’ai surtout utilisé du matos comme le Korg M1, j’ai beaucoup utilisé les orgues qu’il propose et aussi certaines strings.

Pour les nappes j’ai quand même utilisé des analo, un Juno-60, un Jupiter-8 et beaucoup de Juno-2. Il a des strings très house, très techno qui sont hyper reconnaissables en particulier le preset « Techno Strings ». Pour les basses, j’ai utilisé un Yamaha DX100, un synthé à synthèse FM qui a un son que je préfère à celui du DX7.

Tu es du genre à vouloir dénicher la boîte à rythmes ou le synthé introuvable ou est-ce que tu bosses plutôt avec les mêmes modèles en règle générale ?

J’aime bien tout explorer. On trouve assez facilement des équivalents. Pour revenir au set-up de synthés de 120 battements par minute, j’ai utilisé un DX100, mais tu peux très bien le remplacer par un TX81Z qui est la version rack. Le DX100 est assez recherché pour ses molettes qui sont utiles avec la talkbox, mais franchement, la version rack est top. Tu te retrouves avec deux DX100.

Dans ce qui se fait de neuf maintenant, j’aime en particulier le BeatStep d’Arturia qui est hyper pratique en live et que j’utilise beaucoup. De toute façon, je n’aime pas la plupart des rééditions, je préfère une machine neuve qui n’existait pas plutôt que le « faux vintage ».

C’est ce que je conseille à ceux qui me demandent conseil, tu prends un SH-101 couplé à Ableton Live et avec ça, tu peux composer tout un morceau. Quand j’ai un peu la flemme d’allumer ma 909 pour avoir un kick, j’utilise Battery de Native Instruments, le son est top, pourquoi s’en priver.

Il y a un modèle de synthé que tu n’as pas et qui serait un peu comme ton Graal ?

J’aimerai bien avoir un ARP 2600 et un jour, je craquerai pour un Mini Moog et un Prophet 5. Il y a un côté technicien qui se dégage de l’utilisation des synthés, des séquenceurs et des boîtes à rythmes vintage, est-ce qu’il faut être technicien et musicien pour faire de la techno ?

Quand on est musicien, il faut être technicien. Que tu sois violoniste, corniste ou dans la musique techno, il faut connaître à fond son instrument. Un clarinettiste connaît son instrument sur le bout des doigts, que ce soit son aspect mécanique mais aussi acoustique. Pour les synthés, c’est la même chose, si tu veux bien l’utiliser, il faut le connaître à fond.

On fait souvent le lien entre le travail de Pierre Henry ou des gens comme l’équipe de Stockhausen et la musique électro, qu’est-ce que tu en dis toi qui a travaillé avec le GRM ?

Il y a peu de temps, j’ai travaillé avec Christian Zanési sur l’album Frontières. C’est l’ancien directeur du GRM, mais surtout un grand compositeur de musique acousmatique. De part ce travail, on peut faire un lien entre musique électro et le travail de compositeurs comme Pierre Henry ou Pierre Schaeffer, mais on n'est pas du tout sur les mêmes enjeux.

D’un côté, on a une musique savante, de l’autre la techno qui est plus axée sur des principes de pression du son. Il existe des points communs, on parle également d’utilisation de boucles, de mixage de sons.

Après, Pierre Henry était connu pour ne pas être un grand fana des synthés, il prenait des sons existants avant de les modifier à l’aide de filtres, de reverb et de ralentissements. C’est une démarche très différente. Mais le lien est là, clairement.

Arnaud Rebotini - Live aux Magasins Generaux pour Cercle
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