Tour de France : visite au studio Labomatic

Dans le monde des studios d’enregistrement français, Dominique Blanc-Francard n’est pas un inconnu. L’ingénieur du son et producteur né en 1944 est passé par des studios mythiques comme celui du Château d’Hérouville, où il a travaillé avec des artistes comme Pink Floyd, T.Rex ou encore David Bowie, avant de travailler au studio Aquarium et Continental Studios.

Au milieu des années 90, c’est avec l’ingénieure du Son et réalisatrice Bénédicte Schmitt qu’il ouvre le studio Labomatic au cœur de Paris.

Aujourd’hui nous avons rendez-vous avec Dominique et Bénédicte pour une vériotable immersion dans ce lieu qui a connu de nombreux artistes devenus incontournables.

Le studio a ouvert ses portes au mois de décembre 1995. Il a fallu plusieurs mois de ménage avant de pouvoir exploiter l’endroit à fond. C’était déjà un studio d’enregistrement et depuis la fermeture du studio Davout, c’est même le plus ancien studio parisien encore en activité.

On est ici dans un ensemble de caves aménagées. Le premier studio a été construit en 1964, c’est la pièce qu’on appelle le « studio B ». Le Studio A date lui de 1971. L’endroit appartenait alors à un éditeur de musique, Denis Bourgeois, le directeur des Éditions Musicales Bagatelle. Il était également directeur artistique chez Philips et à ce titre éditeur des premiers titres de Serge Gainsbourg. C’est à lui qu’on doit d’ailleurs la connexion entre France Gall et Gainsbourg. Pour l’anecdote, c’est ici que le morceau « Harley-Davidson » a été enregistré par Brigitte Bardot à l'époque où elle travaille avec Serge.

Le studio était équipé à l’origine d’une petite chambre d’écho de trois secondes située sous l’un des studios. À l’époque, les studios étaient dessinés par des acousticiens de Radio France et le fait d’avoir à disposition une chambre d’écho naturelle était un dispositif particulièrement moderne. Plus tard, c’est avec les réverbérations à plaques EMT qu’on reproduira cet effet.

L’accès au studio se fait par la cour d’un immeuble, on descend au niveau du sous-sol par un escalier qui fait un demi-tour et qui donne sur une porte qui nous fait entrer directement dans la cabine du studio A. Depuis le A, on rejoint le studio en lui-même qui fait une sorte de « L » autour de la régie. C’est un enchaînement de pièces. On retrouve ensuite un petit local où se trouve tout ce qui est maintenance et bureaux. On utilise également cette pièce pour isoler une guitare ou un chant par exemple. Il faut ensuite traverser un sas qui isole particulièrement bien le studio A du B.

On se trouve donc ensuite dans le studio B de Bénédicte, puis dans la cabine sous laquelle se trouve la fameuse chambre d’écho et où se trouve un deuxième accès au studio qui est d’ailleurs celui d’origine. Ce second accès nous permet d'utiliser les studios A et B de façon indépendante si besoin.

La cabine du studio A, celui de Dominique, est vraiment unique, elle repose sur le design « Tom Hidley » et offre des dimensions idéalement adaptées pour le mixage. La distance entre la console, les murs et les haut-parleurs est pratiquement parfaite. C’est très agréable d’y travailler seul ou en petit groupe, les grandes régies sont difficiles à contrôler acoustiquement. Les pièces ici ont vraiment une couleur sonore incroyable.

L’acoustique fait que c’est très agréable d’enregistrer des sections cuivre, des voix. On enregistre souvent des groupes en live dans le studio A, sans clic, sans casque, pour un super résultat sonore. On sait que si on veut un son très mat sur la batterie, on va l’installer dans le B, un son plus ouvert, ce sera dans le A… Tout est possible en fait, on ne veut pas avoir d’habitude.

L’ensemble du studio est comme une sorte de cocon, les musiciens s’y sentent comme à la maison. C’est riche en terme de décors, sans être étouffant, il y a beaucoup d’instruments et l’ensemble est en constante évolution.

Quand on a récupéré le studio, il restait une console Trident Serie 80 et un magnéto 24 pistes Otari. À notre arrivée, c’était le début de l’ère numérique, on a commencé avec deux Yamaha 02R. Pour l’époque, c’était un peu révolutionnaire, avec des recalls instantanés, les débuts du numérique. On rentrait dans les consoles directement avec des très bons convertisseurs Apogee AD8000 sans passer par la partie analogique des 02R.

l'Otari 24 pistes en plein réglage

Le credo du studio c’était « Labomatic, studio de création tout en numérique et de haute définition ». Certains pouvaient nous critiquer de par l’utilisation de la 02R qui était une console grand public, mais nous avions de super préamps à tubes, les premiers VT2 de Fearn, des Avalon mais aussi des micros comme le premier M 149 de Neumann dès sa sortie en 1996. On avait donc autour de la console un parc de matériel assez important, la 02R était uniquement un aiguillage numérique.

En 2000 on a décidé d’investir sur du numérique haut de gamme, une Euphonix Serie 5 qui venait tout juste de voir le jour. C’était loin d’être une course à l’armement, mais nous étions à l’étroit avec les 02R. Vers 2007 nous avions deux Serie 5, la chambre d’écho était remplie de tours d'ordinateurs qui tournaient toute la journée et qu’il fallait refroidir même en hiver. C’était un peu l’apogée de la dépense énergétique.

Une grande étape a été franchie quand Avid a racheté Euphonix et que les consoles ont pu devenir de véritables surfaces de contrôle permettant de piloter un Pro Tools. De façon étonnante, c’est à cette époque qu’on a décidé de remettre en route l’Otari 24 pistes, qu’on utilise en 16 pistes, synchronisé avec Pro Tools. On l’a transformé en une sorte de plug physique. La carte son HDX d’Avid a également été une vraie révolution pour nous.

Après avoir beaucoup travaillé avec des Genelec 1031 et avoir fini par être gêné par le rendu du bas médium très flou, trop généreux, qui rend difficile l'écoute entre 150 et 300 Hz. En 2003 on m’a proposé d’installer une paire de NHT en bass reflex, enceinte infinie avec les amplis à part. On a donc testé ces enceintes en ajoutant des subwoofers sur le sol. On a vraiment été soufflés, c’était incroyablement juste. C’est ce qui équipe encore le studio B. Pour le A, on a enlevé les subs des NHT Pro pour ne garder que les enceintes. J’ai gardé quatre grosses JBL comme subs, et ça marche super bien.

Pour ce qui est des micros, si on devait en sélectionner des « incontournables » on pourrait choisir le SM57 qui est un micro à 80 € qui fonctionne à 90 % des cas sur une caisse claire, sur un ampli guitare et sur certaines voix. Pour l’anecdote, et pour l’avoir vu de mes propres yeux, tout l’album Honky Château d’Elton John a été chanté sur un SM57, il n’y a que ça qui marchait pour sa voix.

On peut aussi parler du RE20. Ce micro d’Electro Voice est super polyvalent, il permet de faire plein de choses. C’est un micro dynamique qui permet de faire des voix, une caisse claire, une grosse caisse, sur des guitares, des cuivres ou encore monter une émission de radio avec. Il sait tout faire, il est tout terrain.

Pour conclure, il y a une belle histoire qui entoure des tranches de console que j’ai ici en rack.

Lorsque je travaillais au studio Aquarium, j’avais une console MCI qui était la toute première JH500 arrivée à Paris au début des années 70. À mon départ du studio, elle a disparu. Je l’ai regrettée amèrement, elle avait une patate incroyable, vraiment unique.

Il y a quatre ou cinq ans, un gars me laisse un message sur mon téléphone pour savoir s’il pouvait me rappeler. Il venait de racheter un studio qui fermait, car il venait d’être dévalisé, tout avait été cassé…

Dans ce studio, il y avait une console MCI dont l’alim avait disparue. J’ai demandé : « Pourquoi est-ce que vous m’appelez ? » et là, le gars m’a répondu : « Ce qui est étonnant, c’est que sur les gros bouquins jaunes de maintenance, il est écrit Studio Aquarium ». Il venait de racheter la console que j’avais en 1974…

Il m’a proposé de racheter des tranches en rack. J’étais si content de pouvoir retrouver le son de deux tranches de ma console que lorsqu’il est arrivé avec au studio avec, j’ai voulu tout de suite tester.

La chanteuse était en train de se faire un café, j’ai branché son U67 dans la tranche MCI, à la place d’un préamp Universal Audio, et là elle a recommencé à chanter, c’était comme une madeleine de Proust pour moi. Le même son.


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