Le making of de Trilogy de The Weeknd | Finer Notes

The Weeknd à Coachella en 2012. Photo de Frazer Harrison/Getty Images

Avant de voir son visage, nous avons découvert sa musique. Le 13 novembre 2012, The Weeknd sort Trilogy, un album qui rassemble les trois mixtapes envoûtantes qu'il avait mises en ligne gratuitement l'année précédente. Pendant la majeure partie de l'année 2011, la plupart des personnes qui se sont immergées pendant des mois dans son chef-d'œuvre de R&B sombre House of Balloons (sorti le 21 mars 2011) n’avaient jamais vu son visage.

La musique de The Weeknd symbolisait nos désirs charnels les plus sombres, bien avant que l'on ne découvre l'homme derrière la musique. Le 24 juillet 2011 à Toronto, l'artiste donne son premier concert public, et sa prestation du 15 avril 2012 au festival de musique de Coachella est sa première scène aux États-Unis. The Weeknd est devenu une star uniquement grâce à sa musique, et Carlo « Illangelo » Montagnese a grandement contribué à façonner le mythe de The Weeknd.

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En tant qu'ingé son principal des trois mixtapes et de la compilation Trilogy, Illangelo est l'un des seuls à avoir autant contribué à façonner le son qui a lancé une évolution musicale de dix ans. Des hymnes de festivals ont été produits dans des studios infestés de souris, sans aucune idée du succès qui allait arriver.

« C'était très DIY. Nous créions nos propres opportunités. Il n'y avait pas vraiment d'autre option », explique Carlo « Illangelo » Montagnese, lors d'un entretien avec Reverb à l'occasion du 10e anniversaire de ces mixtapes emblématiques. Dans le reste de l'interview, Illangelo raconte les humbles débuts de The Weeknd en matière d'enregistrement, il explique également comment trouver l'harmonie sonore dans une myriade de matériel et pourquoi ils ont osé faire une reprise d'un morceau de Michael Jackson.

Lorsqu'Illangelo s'est associé à The Weeknd pour la première fois en décembre 2010, pour House of Balloons (le premier projet de Trilogy), tous deux avaient à peine la vingtaine. Abel - qui n'avait pas encore pris le nom de The Weeknd - allait avoir 21 ans, et Illangelo avait eu 23 ans quelques mois auparavant.

Illangelo se souvient de sa rencontre avec le futur lauréat d'un Grammy Award, dans une minuscule pièce de Toronto, avec des cloisons sèches et une souris qui courait partout, un environnement peu propice à la création musicale. Mais, en écoutant des morceaux et le falsetto sombre de The Weeknd, qui redonne l'espoir dans des paysages sonores cauchemardesques, Illangelo a tout de suite reconnu le potentiel du jeune artiste.

Lors de cette première session, le duo a enregistré une première version du titre phare « Glass Table Girls », sur House of Balloons.

The Weeknd - House Of Balloons / Glass Table Girls

La grandeur du résultat contraste avec d'humbles débuts. « Nous n'avions pas le temps de perfectionner quoi que ce soit. Ce n'est pas comme si nous avions eu un budget, nous n'avions rien. Nous avons utilisé tout ce que nous avions. Donc, nous avons utilisé beaucoup de micros différents », explique Illangelo. Parmi ces micros, on retrouve le classique Neumann U 87 et le Shure SM7B, utilisés avec le Metric Halo 2882 et l'Apogee Duet, pour finir avec le SM7B directement dans l'Apogee.

Illangelo, The Weeknd et le producteur Martin « Doc » McKinney ont été les principaux architectes des mixtapes composant Trilogy. Ils ont dû se déplacer dans différents studios d'enregistrement à Toronto, y compris dans le studio privé de Doc et au Dream House Studios où Illangelo avait sa propre chambre. C'est à cause de ces changements constants qu'Illangelo considère chaque morceau comme un patchwork de matériels différents, ce qui a compliqué l'obtention d'un son unifié pour l'œuvre dans son ensemble.

Mais on ne gagne pas un Grammy sans savoir comment transformer les difficultés en opportunités. Très tôt, Illangelo s'est rendu compte qu'il devait minimiser la colorisation du son liée à l'équipement audio en égalisant chaque partie d'une session pour rendre l'ensemble homogène. Il regroupait toutes les voix dans un dossier et mixait méticuleusement chaque piste audio individuelle afin de maintenir une cohérence sonore à travers les chansons et l'ensemble des projets. Il a beaucoup utilisé le plugin Wavez Vocal Rider, car il permettait d'équilibrer automatiquement et de manière instantanée tous les signaux audio entrants.

Malheureusement, le matériel de l'époque n'était pas encore à la hauteur du son futuriste qu'ils étaient en train de créer. « Avant, tout prenait du temps parce que je ne pouvais pas charger beaucoup de plugins sur l'ordinateur, et j'en utilisais beaucoup. Je ne voulais pas trop dépendre du matériel parce que les plugins étaient plus cohérents, surtout avec tous les déplacements que nous faisions. »

Bien que le R&B sardonique de Trilogy ait transformé le son de l'industrie musicale pour les dix années qui ont suivi, il n'est pas en rupture avec le passé. Illangelo a lu les livres du légendaire ingé son Bruce Swedien, qui a mixé plusieurs classiques de Michael Jackson comme « Billie Jean », « Rock With You » et « You Rock My World ». Il s'est aussi inspiré des livres et des interviews de Swedien et a appliqué ses concepts à son travail avec The Weeknd. Les pics audio ne dépassaient pas -3 db et se situaient généralement à -12 db, sans compression à l'entrée. Les voix étaient brutes afin de préserver la dynamique du chant de The Weeknd.

« C'était pour obtenir de la cohérence, et parce que la voix d'Abel avait tellement de dynamique. Tous mes disques préférés, de Michael Jackson à Stevie Wonder, mettaient en avant l'importance de la dynamique de la voix. Donc, mes oreilles étaient programmées pour ce type de traitement. »

The Weeknd - D.D.

Echoes of Silence, la troisième et dernière mixtape de Trilogy, est l'hommage le plus touchant rendu à leurs influences. Enregistrée en six semaines, Illangelo la décrit comme le seul projet (parmi les trois mixtapes) qui a été en majeur partie enregistré et produit par The Weeknd et lui-même. C'est également le projet sur lequel figure l'ambitieux hommage de The Weeknd à son idole Michael Jackson, « D.D. », une reprise moderne du morceau « Dirty Diana » de Michael Jackson.

Reprendre un morceau de Michael Jackson est, au choix, un acte de sacrilège ou bien d'hubris, ou alors un audacieux mélange des deux. « Faire une reprise ou un remix d'un morceau de Michael Jackson, il fallait oser, mais on était comme des enfants, on ne se souciait pas de ça. Nous avions le plus grand respect pour Michael. Notre remix était une preuve d'amour », raconte Illangelo. « Même avec tous les effets sur la voix, je voulais qu'on en soit fiers. Il fallait être méticuleux pour obtenir ce son si unique et spécial. »

C'est en utilisant des effets et des plugins qu'ils se sont aventurés dans l'inconnu, à la recherche de sonorités rares et uniques. Bien avant qu'OHM Force ne soit utilisé par de nombreux ingés son et producteurs, Illangelo s'amusait déjà avec ses delays et ses distos. Aussi, les plugins d'Ominsphere ont joué un rôle important pour Trilogy. Pour son travail de production sur des morceaux comme « D.D. », « Outside », « Same Old Song » et « Gone », Illangelo a préféré utiliser Cubase plutôt qu'un autre DAW, car c'est grâce à la précision et la méticulosité de ses réglages qu'il a pu reproduire ce qu'il avait en tête dans ses mixages.

Illangelo raconte la production et le mixage de « After Hours », sorti en 2020

« L'ingrédient secret, c'est de savoir prendre le temps d'écouter chaque partie de la performance vocale, de régler les fondus d'entrée et de sortie et de s'assurer manuellement des niveaux de chaque partie. Pour tous ces réglages fins, Cubase est un DAW incroyable. »

Après la sortie des trois mixtapes, fin 2011, et la consécration de The Weeknd comme le roi du R&B sombre, Illangelo a passé toute l'année 2012 à mixer, à nouveau, les enregistrements pour la sortie de Trilogy, en novembre 2012. Alors qu'Illangelo loue le travail de l'ingé son Mark Santangeleo pour le mastering de Trilogy, il sait que les fans préfèrent son mastering un peu saturé que l'on retrouve sur les disques originaux, plutôt que le résultat final plus raffiné de Trilogy. Quoi qu'il en soit, toutes les mixtapes qui ont servi à la création de Trilogy existent grâce à une vision partagée et au matériel dont ils disposaient à l'époque.

« On peut accomplir de grandes choses lorsqu'on travaille dans une équipe où tout le monde se fait confiance. Abel racontait son histoire et sa vie. Mon travail consistait à capturer cela de la meilleure façon possible. »


Finer Notes est une nouvelle série qui se penche sur les équipements, les techniques et les histoires inédites qui ont contribué à la création d’albums mythiques. Des ingés son et des producteurs expliquent comment ils ont utilisé le matériel disponible à l’époque de l’enregistrement afin de créer une œuvre intemporelle.

À propos de l'auteur : Keith Nelson Jr est un journaliste chevronné et passionné de musique. Il a interviewé tout au long de sa carrière certaines des figures les plus influentes de l'industrie musicale.

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