La Gretsch White Falcon, une guitare légendaire qui a failli ne jamais exister

« Un rêve sur roues. » C’est ainsi qu’on pourrait décrire le concept des voitures futuristes des années 50. Ces « voitures de demain » étaient fabriquées dans un seul but : faire rêver le public se rendant dans les salons de l’automobile.

En 1954, plus de deux millions d’amoureux découvraient la nouvelle Buick Wildcat II, la Oldsmobile Rocket ou encore la Firebird proposée par General Motors (une sorte de jet stylisé équipé de quatre roues). Aucune de ces voitures n’a été produite, mais certains aspects de leur design ou de leurs caractéristiques techniques ont été réutilisés plus tard pour la fabrication d’autres voitures.

Jimmie Webster, responsable du marketing chez Gretsch pendant les années 1950 adorait les voitures. Il gardait toujours œil sur les nouveautés proposées par les différents fabricants, il proposera même deux finitions de guitares inspirées par les voitures en 1954 : Jaguar Tan et Cadillac Green.

Lors du NAMM de 1954 à Chicago, Webster dévoila, comme on le ferait avec une nouvelle voiture, la toute nouvelle guitare Gretsch « White Falcon », une guitare au look incroyable, un prototype tout de blanc et d’or présentée comme la « guitare du futur ». Elle était même exposée sur un stand rotatif, comme on pouvait le faire à l’époque dans les salons automobiles américains.

Elle est incroyablement belle !

Ce sont le genre de mots que l’on aurait pu prononcer en voyant pour la première fois cette nouvelle guitare.

Gretsch White Falcon 6136 de 1959

Avec sa finition blanche brillante, ses dorures en or 24 carats, ses deux micros DeArmond DynaSonic, ses filets dorés empruntés aux batteries Gretsch, sa forme de tête unique et son cordier ressemblant à une ornementation de Cadillac, la White Falcon était vraiment une représentation même de la beauté et du luxe.

Il n’existait rien de comparable sur le marché à l’époque. Gardez en tête que nous étions en 1954 et que les seules finitions disponibles à l’époque pour les guitares étaient, natural ou tobacco sunburst.

La réaction des professionnels de la vente des instruments fut fulgurante, tout le monde voulait pouvoir inscrire son nom sur la liste pour être le premier à pouvoir proposer la White Falcon. Webster et Fred Gretsch Junior (le directeur de l’entreprise) devaient afficher une énorme satisfaction d’un point de vu extérieur, ils venaient de réaliser un véritable coup de maître en présentant ce prototype. Mais je suis pratiquement certain que leur réaction intérieure était différente.

Les deux hommes réalisaient combien il serait difficile et long de fabriquer la White Falcon dans leur usine de Brooklyn. Mais à ce moment précis, ils n’avaient pas d’autre choix que de lancer la production en série du prototype de Webster.

La White Falcon sera proposée l’année suivante, en 1955, dans le catalogue Gretsch pour une somme assez folle : 600 $ (environ 530 €), plus de 5 500 $ actuels (presque 5 000 €). En considérant que le revenu annuel moyen des familles américaines de l’époque tournait autour de 5 000 $ (4 500 ), la « Cadillac des guitares » était en fait plutôt la « Rolls-Royce des guitares ».

Jimmie Webster et le brevet de la Project-O-Sonic

En 1958, des micros humbucker Filter’Tron furent ajoutés ainsi qu’une option stéréo que Webster appela le Project-O-Sonic. Le son stéréophonique commençait alors à gagner en popularité et Gretsch voulait rapidement suivre la nouvelle tendance.

Webster obtint un brevet pour son système de micros stéréos et enregistra un album produit par Chet Atkins appelé Unabridged sur lequel pouvait être entendu sa White Falcon stéréo et son style unique de jeu en tapping.

Une tonne de gadgets

La White Falcon continua d’évoluer durant les années 1960. Un modèle plus fin à deux pans coupés vu le jour en 1962, le vibrato Bigsby arriva en 1964.

Mais avant la fin de la décennie, la White Falcon se retrouva complètement surchargée par des gadgets développés par Webster.

Gretsch White Falcon Stereo de 1967

Des étouffoirs de cordes, des bras de vibrato télescopiques, des dos rembourrés, et même des frettes inclinées pour « améliorer l'intonation » ont été ajoutés à la guitare provoquant des réactions mitigées de la part des musiciens.

Avec tous ses potards nouvellement ajoutés, ses interrupteurs et ses gadgets douteux, la White Falcon était loin de la guitare élégante introduite une décennie plus tôt.

Après le rachat de Gretsch par Baldwin en 1967, la White Falcon est restée relativement inchangée pendant plusieurs années. Mais au début des années 1970, Baldwin a commencé à simplifier la guitare et à incorporer son propre style, comme des ouïes plus petites, des incrustations de manche carrées, un vibrato bigsby à poignée fine et un pickguard d’un forme plus carrée.

Le mariage de Baldwin et de Gretsch était un peu douteux, Baldwin était tout de même beaucoup plus à l’aise de le monde de la fabrication d’orgues et de pianos plutôt que de guitares.

Entre le transfert de l’usine depuis Brooklyn jusque dans l’Arkansas, les nombreux incendies de l’usine et l’échec de plusieurs modèles (la Beast, la Committee), Gretsch s’éteignit petit à petit durant les années 70 jusqu'à cesser toute production en 1980.

Gravir de nouveaux sommets

Après l’échec financier rencontré par Baldwin, Fred W. Gretsch, l’arrière-petit-fils du fondateur Friedrich Gretsch, pu acquérir l’entreprise en 1984 après 17 ans d’absence de la famille fondatrice au sein de Gretsch.

Gretsch White Falcon II Model 7594 de 1992

Il fallut plusieurs années à Fred pour relancer l’entreprise, mais en 1990 une nouvelle ligne de guitares Gretsch composée des modèles classiques des années 50 et 60 fut mise sur le marché, accompagnée de critiques très positives. La White Falcon de Bladwin fut également relancée avant de retrouver définitivement ses caractéristiques d’origine.

Depuis son retour sous le feu des projecteurs, la White Falcon est devenue très populaire. Fred Gretsch et ses partenaires ont cherché à améliorer la recette de la White Falcon de Jimmie Webster.

Ils ont aussi étendu la famille de la White Falcon, il existe maintenant une basse, une guitare jumbo, une taille parlor, des modèles à blocs centraux, des tailles junior et deux modèles signatures qui rendent hommage aux plus grands utilisateurs de la White Falcon, Stephen Stills et Billy Duffy.

Basse Gretsch White Falcon

Acoustique Gretsch White Falcon Rancher

De nombreux autres musiciens ont également utilisé ce modèle mythique comme, Mary Osborne, Roy Orbison, Neil Young (qui voulait avoir la même guitare que Stills au début de Crosby, Stills, Nash and Young), Malcom Young, Brian Setzer et John Frusciante.

Un oiseau rare et cher

En raison de la faible production des années 1950 (environ 300 modèles produits d’après Ed Ball un spécialiste de la marque Gretsch), les White Falcon fabriquées entre 1955 et 1959 sont très recherchées, les prix frisant souvent les 23 000 €. Les modèles stéréos encore plus rares peuvent se vendre encore plus cher.

Les White Falcon des années 1960 sont un peu moins cotées, mais les modèles stéréos équipés de tous les gadgets de Webster partent à des prix approchant les 15 000 €.

Au final, l’idée de Jimmie Webster de créer une guitare « juste pour rêver » en 1954 était une excellente idée. La White Falcon est devenue une guitare iconique et se retrouve souvent sur la liste des guitares de rêve de nombreux guitaristes.

Et encore aujourd’hui, 60 ans plus tard, il n’existe rien de comparable à cette guitare sur toute la planète.

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