Les guitares oubliées de l'âge d'or des acoustiques japonaises

Beaucoup de guitaristes jouant sur des guitares électriques ont vanté les mérites des guitares japonaises des années 70 signées Tokai, Ibanez, Yamaha et autres, contrairement aux guitaristes de guitares acoustiques qui ont été beaucoup plus lents à les apprécier. En réalité, la fabrication de guitares japonaises a atteint son apogée au cours de cette décennie, grâce au perfectionnement de la production en série d'instruments de qualité, à une époque où les bois de lutherie étaient encore abordables, et juste avant que les coûts de production n'augmentent. Les fabricants et propriétaires de marques se sont ensuite rendus en Corée du Sud, puis en Chine pour reprendre à zéro le processus d’apprentissage dans de nouvelles usines de fabrication.

L’histoire de la guitare acoustique japonaise des années 70 s’avère plutôt complexe. Difficile de dire qui a fait quoi et pour qui. Ce qui est pourtant une question importante, car une marque peut soudainement produire un instrument d'une qualité inattendue, après avoir acheté un modèle ou une série particulière à l'un des meilleurs fournisseurs du pays.

Par où commencer, quand la plupart des informations disponibles se concentrent sur les principaux fabricants américains de guitares acoustiques ? On peut évidemment trouver des informations en ligne, mais celles-ci se révèlent souvent contradictoires désordonnées.

Même certains distributeurs de grandes marques n'ont jamais été tout à fait sûrs de savoir qui fabriquait tel modèle, ni de ce qu'ils allaient recevoir à la prochaine livraison. Et 40 ans plus tard, les souvenirs sont devenus flous et les documents ont été perdus. La bonne nouvelle, c'est qu'un petit nombre de fans dévoués ont travaillé dur pour rechercher et rassembler des informations utiles sur internet. Merci Google donc.

Les prouesses de certaines marques ne sont plus à prouver. Prenez n'importe quelle Takamine ou n'importe quelle Yamaha et vous aurez au pire une guitare avec une jouabilité satisfaisante et au mieux un modèle de compet'.

Le but de cet article est de mettre en lumière une série de guitares remarquables, provenant de sources relativement confidentielles et qui satisferont n’importe quel guitariste une fois dénichées, de part leur caractère unique, leur jouabilité et avec un peu de chance leur prix défiant toute concurrence.

Ceci n’est pas une liste exhaustive mais plutôt un point de départ de ce qui pourrait devenir un voyage à travers le temps.

Aria: John Joyce, Paul Brett, Sandpiper

Aria est avant tout connue pour ses guitares électriques de type solidbody et pour quelques belles basses, et moins pour ses instruments acoustiques, qui ont tendance à être associés à des guitares pour débutant à cordes en nylon de style espagnol, et à quelques dreadnoughts et autres modèles populaires peu mémorables. Deux modèles (ou plutôt quatre, puisqu'elles étaient offertes en version six et douze cordes) apparus à la fin des années 70 sous les noms de John Joyce JJ et Paul Brett PB échappent pourtant à la règle.

Joyce et Brett étaient deux guitaristes de blues renommés, liés au distributeur britannique d'Aria, Gigsville, grâce à Joyce qui y travaillait comme réparateur. Gigsville voulait créer un modèle acoustique Aria de qualité et a présenté la marque aux deux guitaristes. Celle-ci leur a demandé de concevoir des modèles « signature » à six et douze cordes, ce qu’ils ont accepté. Le résultat fut impressionnant.

Publicité pour les guitares Brett et Joyce d’Aria.

Fabriqués uniquement à partir de bois massif, les modèles Joyce et Brett n'avaient rien avoir avec les autres modèles acoustiques d’Aria, ce qui laisse supposer qu'ils avaient été fabriqués par l'un des principaux producteurs d’acoustiques Japonais. En fait, un ancien employé d'Aria au Japon nous a confirmé récemment qu'elles ont été produites par Matsumoku, l'usine de fabrication longtemps associée aux instruments Aria (et plus tard à Westone et autres).

Matsumoku était connu pour sa capacité à produire des instruments de qualité, mais aussi, et surtout, pour ses guitares et ses basses solidbody. Ces acoustiques provenant de la même usine, je me demande ce qu’elle produisait d’autre (en effet, Matsumoku fournissait également d'autres marques, dont Washburn et Epiphone).

Les modèles Joyce et Brett étaient extrêmement bien réalisés, d'une grande qualité sonore et à un prix très abordable. Même si elles étaient destinées à être vendues uniquement au Royaume-Uni, il semblerait qu’elles aient été commercialisées dans d'autres pays. John Joyce est décédé en 2004, mais a laissé derrière lui la série Sandpiper, autre série d’acoustique Aria, dont les modèles valent aussi la peine qu’on y jette un œil. Paul Brett officie toujours, à la fois en tant qu'expert de guitares vintage et designer de la marque Vintage.

Martin et Sigma, Tokai et Cat’s Eyes

En 1970, les luthiers américains commencent à souffrir des incursions des guitares japonaises sur le marché national et international. En effet, les fabricants de guitares classiques japonais commençaient à être pris au sérieux et à se distinguer de part leur savoir-faire. Malheureusement, les premières tentatives de production en série de guitares électriques et acoustiques pour le marché international ne remporta pas le succès espéré.

En fait, c’est Yamaha qui a changé la donne. Dans les années 60, la marque produisait les fameux modèles FG dans son usine d’ Hamamatsu et fabriquait des guitares acoustiques de qualité professionnelle, jouées notamment par Bert Jansch, John Denver, Paul Simon, Jimmy Page et bien d'autres.

Aux États-Unis, la réponse de C.F. Martin contre la concurrence à bas prix fut pragmatique : « if you can’t beat them... » (si vous ne pouvez pas les battre…). En 1970, la marque lance une nouvelle gamme de guitares abordables, Martin Sigma, qui s'impose rapidement grâce à la renommée de son fabricant.

Les Sigma vintage du début des années 70 sont assez difficiles à trouver, et certains propriétaires jurent qu'elles rivalisent à armes égales avec les guitares originales produites à Nazareth. On assiste d’ailleurs à de longs débats sur les numéros de série et les matériaux utilisés. Certains prétendent que l’utilisation de bois massifs est la raison de leur succès, ce qui n'est pas le cas. En fait, la plupart des Sigma avaient un fond et des éclisses en bois stratifié. Étant donné la qualité sonore d'une Sigma Dreadnought « First Generation » entièrement en bois stratifiée, peu de doutes que les arguments de ces guitaristes soient éronnés.

Martin faisait appel à divers fabricants japonais pour la production de ses modèles Sigma, qui étaient ensuite vérifiés et validés aux États-Unis avant d'être commercialisés. Les fabricants comprenaient notamment Tokai et Kasuga, et bien que Tokai soit principalement connu pour ses clones Fender et Gibson solidbody très appréciés, l'acoustique Cat's Eyes de Tokai, qui était en fait une copie de Martin, avec son fond et ses éclisses stratifiés, est très recherchée et souvent très bon marché. Les Tokai CE-400 (copie D-28) et CE-800 (copie D-35) en sont de bons exemples.

Attention, faites quelques recherches en amont de votre achat, car toutes les Sigma n'ont pas été fabriquées au Japon (Martin a fait fabriquer certains de ses modèles en Corée relativement tôt), et les numéros de série et styles d'étiquettes sont assez complexes à déchiffrer. Heureusement, vous trouverez toutes les informations dont vous avez besoin en ligne. Les dreadnoughts de « deuxième génération » avec tables en bois massif sont particulièrement prisées.

De quel Yairi vous parlez ?

Essayer de condenser l'histoire de la fabrication des guitares de la famille Yairi en quelques paragraphes est impossible, mais, pour faire simple, dites-vous que K. Yairi et S. Yairi, bien qu'apparentés, possèdent chacun leur propre entreprise.

Yairi Bozo Bell Western.

Kazuo Yairi (K. Yairi) est parti aux Etats-Unis pour se former en tant que luthier, après avoir appris les bases du métier au Japon, puis a formé un partenariat avec le distributeur américain St Louis Music, donnant naissance aux célèbres guitares Alvarez Yairi (la marque sous laquelle elles étaient commercialisées aux Etats-Unis, car en Europe, elles étaient vendues séparément comme K. Yairi et Alvarez.)

Alvarez Yairi, tout comme Yamaha, mériterait qu’on lui consacre un article entier, et comme les guitares de K. Yairi étaient moins bien commercialisées que Yamaha et néanmoins très prisées, elles méritent tout aussi bien d'être mentionnées.

L'un de ces modèles était fabriqué sous licence pour Bozo Podunavac, le luthier américain originaire de Yougoslavie et dont les guitares ornées étaient et sont toujours très prisées des collectionneurs. Leo Kottke était un client important de Bozo dans les années 60 et 70, ce qui a contribuer à renforcer la réputation du fabricant.

L'une des guitares les plus populaires de Bozo était la Bell Western, et un petit nombre d'entre elles ont été fabriquées à la main avec tout un travail d’ornementation par K. Yairi au Japon.

Yairi a aussi fabriqué des guitares sous licence pour George Lowden quelques années plus tard. Ah, mais quel Yairi ? Certaines sources affirment que c'était Kazuo, d'autres que les Lowden ont été fabriquées par son oncle Sadao dans une autre usine. Ce n'est qu'un exemple de la complexité du monde des guitares japonaises, et ce n'est pas le plus déroutant.

Les guitares K. Yairi valent assez chères, mais sont considérées par leurs propriétaires comme étant un bon investissement. Vous ne les trouverez donc pas au rayon des bonnes affaires (à moins que vous ayez beaucoup de chance), mais elles font partie des meilleures guitares du genre.

Yamaki, Daion, Washburn

Yamaki n'est pas un nom qui revient souvent, mais quand une acoustique Yamaki des années 70 apparaît, c’est presque toujours un évènement. Il semblerait que la société Yamaki soit toujours en activité aujourd'hui, mais qu’elle se concentre uniquement sur la fabrication de pièces détachées de guitare.

Acoustique Yamaki AY270 Parlour MIJ des années 70

Celles qui nous intéressent particulièrement sont les guitares acoustiques vendues sous la marque Yamaki ou parfois sous la marque Daion. Yamaki a peut-être aussi été à l'origine de certaines des belles Washburn de l'époque, notamment les modèles Prairie Song, particulièrement appréciés chez les collectionneurs.

En parlant de Washburn, (et encore une fois pour montrer à quel point, il est compliqué de réellement savoir qui fabriquait quoi), quelqu'un qui travaillait chez un distributeur de guitares au Royaume-Uni se souvient qu'il déballait parfois une nouvelle livraison d'acoustique Aria, pour découvrir ensuite que la marque Washburn figurait sur les guitares.

Les guitares Yamaki étaient principalement de style Martin, Gibson ou Guild, mais la marque a été abandonnée au début des années 80 en faveur de Daion. Ainsi, toute guitare de marque Yamaki est susceptible de dater du fameux âge d'or des acoustiques japonaises et méritera d'être sérieusement prise en considération. La chasse est ouverte, bonne chance.


À propos de l'auteur : Gary Cooper est un journaliste travaillant dans le domaine des instruments de musique et de l'audio. Il est rédacteur en chef de Music Instrument News et d’Acoustic Review. Gary contribue également à un certain nombre de magazines de musique et de sites web spécialisés. Il vit dans le Sussex, en Angleterre.

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