Les mains dans le moteur : révision d’un Fender Bassman 100

On parle souvent de réparations, mais quand il s’agit de prévenir ces terribles pannes qui font trembler tous les musiciens, les informations sont plus difficiles à trouver. Il existe pourtant de nombreux points intéressants à explorer afin de maintenir en état un ampli à lampes.

Aujourd’hui, c’est le côté pratique qui va nous intéresser en nous plongeant dans un cas concret avec la révision d'une tête d’ampli Fender Bassman 100 de 1975.

Lorsque cet ampli est arrivé à l’atelier, il ne présentait aucune panne. Il avait juste besoin d’un bon coup de révision pour repartir sur la route. C’est souvent le cas avec le matériel vintage : il vaut mieux prévenir les pannes en amont plutôt que de se retrouver avec un ampli détruit en plein milieu d’un concert.

Mais voyons maintenant étape par étape les points à vérifier et à traiter préventivement dans le cas de ce Bassman 100.

La sécurité, c’est primordial

Avant toute chose, le plus important est de savoir si on est à l’aise avec l’appareil dans lequel on va travailler. Avec les amplis à lampe, la sécurité est un point à ne pas négliger : les tensions et les courants en jeu sont capables de vous blesser ou de vous faire passer de vie à trépas en quelques fractions de secondes d’inattention. Gardez toujours ceci en tête.

• Vérifiez et revérifiez que la prise secteur est bien débranchée de toute prise électrique. Notion élémentaire, mais ô combien importante. On se fait avoir une fois, deux fois, mais rarement plus. Le 230 V ça chatouille très fort.

• Méfiez-vous de l’électron qui dort. Un ampli débranché est toujours capable, dans certains cas, de délivrer assez d’électricité pour vous sonner. Les responsables sont les condensateurs de filtrage qui sont capables de stocker du courant pendant parfois de longue périodes de temps.
• Une technique de papy radioamateur : gardez toujours une main dans la poche arrière de votre jean si vous devez travailler ou mesurer sous tension. Une bonne paire de baskettes avec semelles en caoutchouc est également indispensable pour éviter de vous transformer en résistance géante.
• Enfin, informez-vous et dites vous que si vous n’êtes pas capable d’identifier avec certitude les endroits dangereux du circuit, passez votre chemin et adressez-vous à quelqu’un de qualifié. Il n’y a aucune honte à ne pas savoir, surtout quand cela peut préserver votre santé.

Identification temporelle

Quand on commence à vouloir travailler dans un ampli, il est important de savoir d'où il vient. Cet ampli est un Bassman 100 fabriqué aux États-Unis par l’entreprise Fender après son rachat par CBS. Son esthétique ne trompe pas, on a affaire ici à un modèle « Silverface ».

En regardant sur le transformateur d’alimentation, on peut voir ce qu’on appelle un code EIA pour « Electronic Industries Alliance ». C’est un système d’identification qui a été utilisé aux États-Unis pendant près d’un demi-siècle. Les trois premiers chiffres correspondent au code constructeur, ici : 606. Les chiffres suivants : 5 et 33.

Le 5 correspond ici à l’année et le 33 à la 33e semaine de cette année. Il est important de noter que nous parlons ici d’un ampli Fender identifié comme un Bassman 100. Une rapide recherche nous apprend que ce modèle a été produit de 1969 à 1983, le « 5 » du code EIA indique donc l’année 1975.

Paléoélectronique

Pourquoi tout ce décryptage ? Tout simplement pour être certain que le modèle correspond bien et que l’ensemble des composants ont ici plus de quarante ans, sauf modification bien sûr. À cette époque Fender, utilise du câble avec isolant plastique, des résistances au carbone aggloméré et des condensateurs chimiques Mallory.

Après vérification, il s’avère que notre Bassman 100 n’a subi aucune modification. Il correspond bien au modèle d’origine. On peut donc se fier à son schéma et commencer à isoler les composants à changer.

Les premiers soins

En général, il est bon de considérer que des condensateurs chimiques qui dépassent la vingtaine d’années de bons et loyaux services sont bons à changer. Certains gourous des lampes aiment les « reformer » pour les réutiliser, ce n’est pas mon cas. Je préfère partir sur des modèles correspondant plus fiables, surtout dans la section d’alimentation.

Les résistances ont également tendance à mal vieillir, surtout dans un environnement chaud comme l’arrière du support des tubes de puissance. De plus, le carbone aggloméré a tendance à créer des bruits parfois totalement incroyables pour le profane. Au niveau de l’alimentation et des tubes de puissance, on change pour de la meilleure qualité et une fiabilité accrue.

Attention néanmoins : les résistances en place sont des 1 W au carbone capables de supporter plus de 600 V, des résistance de 1 W à couche métallique ne supportent souvent que 350 V, pensez à passer sur des 2 W donc si vous changez de technologie.

Les mains dans le moteur

Les condensateurs chimiques

Première étape, changer les condensateurs chimiques. Honnêtement, pour le prix des composants (2 à 6 € maximum), pourquoi s’en priver ? Ils sont primordiaux dans le fonctionnement et la fiabilité de l’ampli. Pour ma part, je fais confiance à Fischer & Tausche (F&T) et Sprague (Vishay) depuis plus de dix ans.

Pour les résistances, c’est Dale et Ohmite, surtout si on veut partir sur des résistances au carbone, cette dernière marque offre des solutions très fiables.

Dans les amplis Fender, une pratique courante semble exister chez certains réparateurs. Celle de « moins j’en fais mieux je me porte ». Il est important de dessouder entièrement les composants ainsi que les câbles pour nettoyer les points de connexion de tout résidu de soudure. De mon côté, j’aime pousser le vice jusqu’à entièrement démonter certaines partie du circuit.

Les connexions

Une fois les tripes à l’air, il est important d’en profiter pour vérifier chaque connexion. Le mieux est de prendre une baguette chinoise et de vérifier que rien ne bouge au niveau des soudures. Allez y franchement, une soudure c'est normalement du solide. Ici, j’ai trouvé un câble qui était tout simplement dessoudé au niveau d’un potentiomètre.

Les potentiomètres et les jacks

Procurez-vous une bonne bombe pour contacts électroniques et pulvérisez-en dans les potentiomètres avant de les tourner plusieurs fois dans tous les sens.

Gardez un chiffon à portée, il faut éviter que ce genre de produit ne coule partout. Si les potards sont toujours bruyants après plusieurs traitements, une seule solution : un changement s’impose.

Tout comme pour les potentiomètres, les jacks doivent être changés s’ils présentent une corrosion importante au niveau des contacts. Ne limez pas la rouille, vous risquez juste d’attaquer la couche protectrice, attaquer le conducteur et d’aggraver le problème par la même occasion. Les meilleurs jacks sont fabriqués par Switchcraft.

Les lampes

Les amplis Fender utilisent des supports équipés de sortes de ressorts qui permettent de maintenir en place les plus gros tubes. On appelle ça des « bear traps » ou « pièges à ours ». Parfois, ils ont tendance à se détendre, n’hésitez pas à les resserrer en les pinçant. Vous en avez cassé un ? Pas de panique, la pièce se change facilement.

Pour ce qui est de l’état des lampes, sans avoir les appareils de mesure sous la main, il faut vous fier à votre expérience. Vous trouvez que vous avez perdu en dynamique, que votre son s’effondre au bout d’un moment ou qu’un bruit désagréable se fait entendre ? Posez-vous cette question : quand est-ce que j’ai changé mes lampes pour la dernière fois ? Si la réponse est : « Aucune idée ». Changez-les, ou demandez à ce qu’on vous les change.

Je ne parlerai volontairement pas de réglage de bias ici puisque ce sujet pourrait être le sujet d’un article qui existe déjà d’ailleurs juste ici.

Pour conclure

Ne vous attendez pas à retrouver un son totalement différent. Ce serait d’ailleurs un problème si c’était le cas. Mais vous aurez le plaisir de jouer sur un ampli vraiment fiable, en lequel vous pouvez avoir confiance.

Si vous avez peur de vous lancer, c’est que ce n’est pas le bon moment. Patientez un peu et documentez vous en attendant. N'hésitez pas à vous tourner vers un technicien qui saura vous conseiller au mieux.

Le jour J, faites un maximum de photo avec votre smartphone. Dès que vous avez à dessouder quelque chose : une photo, dès que vous retirez une vis : mettez-la dans un petit sachet (les bols et autres soucoupes se renversent un peu trop facilement…).

Ce Bassman 100 a retrouvé son heureux propriétaire qui l’a trouvé plein d’une nouvelle dynamique qu’il ne lui connaissait pas. Comme quoi prévenir les pannes a souvent du bon.