En plus de quarante ans de carrière, le groupe Trust est devenu un véritable monument de la scène rock française. C’est en 1977 que Norbert « Nono » Krief et Bernie Bonvoisin fondent le groupe alors qu’ils vivent en région parisienne.
Avec des paroles taillées pour la lutte et des sons de guitare ultras puissants qui n’ont rien à envier au groupes américains et anglais de l’époque, Trust s’est rapidement taillé un nom. Le groupe est remarqué et les tournées s’enchaînent partout en Europe au côté des pointures de l’époque : Iron Maiden, AC/DC, Anthrax ou encore Motörhead.
Après avoir connu de nombreuses pauses et reformations avec Trust et avoir été le guitariste de Johnny Halliday pendant plusieurs années, Norbert Krief est désormais plus que jamais de retour avec le groupe qui vient de sortir son nouvel album : Dans le même sang.
Avec Trust, vous avez joué avec des groupes légendaires comme AC/DC, Iron Maiden ou encore Motörhead. Tu as souvenir d’anecdotes en lien avec le matériel qu'ils utilisaient ?
J’en ai des tonnes ! À l’époque on avait une vingtaine d’années avec Bernie et on tournait beaucoup avec Trust en Angleterre et en Allemagne. C’est comme ça que nous avons rencontré Iron Maiden, AC/DC et Motörhead et que nous avons passé des moments incroyables avec eux.
Au début des années 80, alors qu’on passait quelques jours en compagnie d’AC/DC pendant leur tournée française, je me suis retrouvé dans les loges avec le groupe. Il y avait un gros fly case dans la pièce qui abritait les SG d’Angus. Au bout d’un moment, il m’a dit : « Je vais te montrer ma toute première SG ». Il l’a sortie du fly et me l’a mise dans les mains. Il se promenait toujours avec cette guitare qu’il n’utilisait plus. C’était sa toute première SG qu’il transportait juste pour le plaisir. J’étais un peu comme un gosse, on parlait chiffons entre nous. On pouvait parler matos des heures durant.
On a aussi beaucoup tourné avec Iron Maiden, tout début 80. J’allais régulièrement voir sur scène le matos qu’ils utilisaient, la façon dont ils étaient branchés. Ils avaient beaucoup d’amplis Marshall. Mais j’avais surtout remarqué qu’ils avaient une petite boîte verte avec eux, qui était en fait un petit préampli.
Quand j’ai vu ça, j’en ai acheté une le lendemain. C’était un préamp Boss FA-1 FET Amplifier. Ils branchaient ça directement dans leurs amplis Marshall, aussi bien Adrian Smith que Dave Murray, pour récupérer le signal et le rebalancer dans leurs pedalboards.
« Une fois, à un concert de Motörhead [...] j’ai vu Lemmy monter sur scène et d’un seul geste, mettre tout à fond sur sa tête d’ampli. Le niveau sonore était intenable. »
Je me souviens aussi d’une fois, à un concert de Motörhead, j’étais juste sur le côté pour pouvoir regarder le show et j’ai vu Lemmy monter sur scène et d’un seul geste, mettre tout à fond sur sa tête d’ampli.
Le niveau sonore était intenable. Au premier accord, tout mon corps s’est mis à trembler, et encore, j’étais de l’autre côté de la sono. Je n’avais pas de bouchon d’oreille à l’époque, j’ai enfoncé des mouchoirs en papier dans mes oreilles. Franchement, je ne sais pas comment faisaient les mecs dans le public, c’était inhumain comme puissance, certains tombaient comme des mouches.
En plus de quarante ans de scène, on doit voir évoluer le matériel, quels ont été les plus gros changements pour toi ?
Pour moi le plus gros changement, ça a été l’arrivée du numérique et comme tous les guitaristes à l’époque, j’ai succombé comme un idiot aux sirènes des effets numériques en rack. J’ai acheté un SPX-90 de chez Yamaha et après, je me suis monté un petit meuble avec tous mes racks. Tout le monde faisait ça à l’époque.
La première fois que je me suis pointé en répèt avec, Bernie m’a regardé et m’a demandé : « C’est quoi ce sapin de noël ? » Avant d’ajouter : « Franchement ton son est vraiment bizarre ». Et il avait raison. On sentait le côté numérique du son, c’était mou, ça manquait de dynamique. Tout ça pour dire que je suis vite revenu à mes bonnes vieilles pédales d’effet analogiques. J’utilise parfois des effets numériques, mais seulement quand je n’ai pas d’autre choix.
Est-ce que tu as une guitare, un ampli ou une pédale que tu as toujours conservé depuis le début de ta carrière ? Une raison en particulier ?
Je dois l’avouer, j’ai un gros défaut : je garde tout. Mes caves et garages sont pleins à craquer. J’ai donc tous mes premiers amplis Marshall, mes premières guitares et mes premiers effets.
Ma première wah-wah, avec laquelle j’ai enregistré le premier album de Trust c’est une Colorsound de la fin des années 60. J’ai aussi toujours mon Echoplex, j’étais un grand fan de Jimmy Page et quand j’ai découvert qu’il jouait sur cet effet, j’en ai acheté un.
Au niveau ampli, mon premier Marshall c’était un JTM-45. J’ai également pas mal de têtes Plexi que j’ai gardées de l’époque. Tous mes baffles depuis le début, sont équipés de haut-parleurs Celestion Greenback. J’ai eu l’occasion d’essayer toute la panoplie des haut-parleurs disponibles sur le marché, pour moi rien ne dépasse le son de ce modèle.
En parlant de l’évolution de ton matériel, qu’est-ce qui caractérisait ton son de guitare à la fin des années 70 et qu’est-ce qui le caractérise aujourd’hui pour toi ?
Pour moi c’est avant le tout le son que j’aime, il a donc évolué, mais il me reste fidèle. Après c’est vrai que parfois il est dépendant d’un producteur ou du studio avec lequel tu bosses.
Depuis le début, ma recette en enregistrement c’est : la guitare dans l’ampli avec le minimum de pédales d’effet. J’aime pouvoir faire saturer l’ampli, c’est important dans mon son. Je n’utilise jamais les boucles d’effets, je préfère rentrer en direct. Du coup je dois changer de configuration selon le morceau qu’on va enregistrer.
Maintenant sur scène j’utilise un mélange d’amplis : un Fender Hot Rod, un Marshall Silver Jubilee et un Jégou. C’est un français qui fabrique ces amplis artisanalement, le mien est typé Marshall vintage. J’utilise donc ces trois amplis en même temps, je ne switche pas entre eux.
Au niveau de ton pedalboard, quelles sont les clefs de voûte de ton son actuellement ?
Je suis en train de travailler avec Elias de Sabelya sur une distorsion signature. C’est un artisan français qui fabrique des effets boutique de super qualité. L’avantage pour moi c'est d’avoir exactement ce que je veux en terme de sonorité. Elle est en pleine confection en ce moment, il modifie le circuit grâce à mes retours.
La base pour cette nouvelle pédale d’effet a été ma disto préférée : la Box of Rock fabriquée par Zvex. On a ensuite travaillé sur l’ajout d’un EQ pour pouvoir travailler mon son avec précision.
J’ai cru comprendre que tu étais un fervent défenseur du matériel artisanal français que ce soit pour tes effets, amplis et guitares. Quelles sont justement les trois marques qui pour toi font aujourd’hui partie intégrante de ton son ?
Effectivement, pour moi, le travail des artisans français est capital. Je suis souvent sollicité, mais je ne peux pas tout accepter pour deux raisons simples : j’ai déjà beaucoup trop de matos et je veux avoir une réelle utilité de ce qu’on peut me faire essayer et adopter si ça me plaît vraiment.
On a déjà parlé des amplis fabriqués par Christophe Jégou et des effets de Sabelya. Pour ce qui est des guitares, à la base, je bossais avec James Trussart, il m’avait fabriqué une guitare spéciale pour les 50 ans de Johnny Halliday au Parc des Princes. Il est maintenant installé aux États-Unis.
C’est donc tout naturellement que je suis tourné vers un luthier comme Loïc Le Pape qui fabrique lui aussi des guitares en métal. Elles ont un son unique qui moi me plaît énormément. J’ai une Junior, une Les Paul ainsi qu’un modèle unique fabriqué pour moi. Ses guitares sont géniales, équipées de micros SP Custom bobinés à la main en France.
Pour ce qui est des cordes, je bosse avec Carlos Pavicich qui propose des cordes pour classique sous la marque Philippe Bosset et pour électrique sous la marque Skull. Il a un tout petit atelier dans lequel il fabrique corde par corde chaque jeu. Un vrai travail artisanal pour le coup.
Sur le dernier album de Trust Dans le même sang, quels sont les nouveaux choix que tu as faits en studio et pour le live ?
Il y a eu un choix radical sur cet album lors de l’enregistrement : nous avons tout joué en live sur une véritable scène avec notre config classique de concert, sans utiliser de casque. On voulait vraiment récupérer l’énergie du fait de jouer ensemble. Il n’y a eu aucun overdub, aucun re-re.
J’ai pas mal utilisé ma pédale Monterey fabriquée par Keeley. C’est une pédale 3 en 1 qui fait auto wah, fuzz tout en reproduisant l’Uni-Vibe qu’utilisait des guitaristes comme Hendrix.
Tu as travaillé avec ton fils David sur l’album Father And Son, c’est une sorte de rêve qui se concrétise pour toi ?
Il a vraiment le virus de la musique depuis qu’il est tout petit. Ado, il a été happé par le hip-hop et le rap. Moi, c’était vraiment un truc que je ne comprenais pas et je me disais que ça devait exactement être la même chose pour mes parents quand j’écoutais Led Zep à fond dans ma chambre.
Un jour il m’a fait écouter ce sur quoi il bossait, il avait déjà fait deux albums de hip-hop, mais là c’était complètement différent. Il avait tout composé et interprété lui-même, j’étais soufflé. J’ai dû le tanner pour qu’il se lance dans son projet perso. Par la suite, je lui ai demandé de m’écrire des titres pour mon album solo Father And Son.
J’avais pratiquement bouclé l’album et je voulais 3 ou 4 morceaux de plus. Il est arrivé dix jours plus tard avec plus de trente titres composés et arrangés avec leurs mélodies. Grosse tarte dans la gueule là... J’ai donc tout rebossé de A à Z avec lui. C’était un travail incroyable. L’album est terminé depuis un an et demi, mais j’ai voulu qu’on attende que la reformation de Trust soit passée pour pouvoir le sortir, ce qui ne devrait pas tarder d’ailleurs.
Merci à Norbert « Nono » Krief de bien avoir voulu répondre à nos questions, pour découvrir d’autres interviews réalisées par Reverb, c’est juste ici.