« Lorsqu’il est question de production studio, j’ai une phrase toute faite : prenez votre meilleur morceau et faites en quelque chose d’horrible. »
Le gourou anglais des studios d’enregistrement, désormais installé à Los Angeles, a commencé son travail au studio The Exchange avant de faire de partir faire du mastering sur du matériel vintage.
« Le patron, Graeme Durham, travaillait uniquement avec du matos analogique des années 50, » se souvient Rankin. « On a bossé pendant longtemps avec des magnétos Studer, un tas de préamps RCA et Telefunken géniaux et avec des micros à rubans bien vintage.
Des débuts timides à une reconnaissance internationale
« Un jour, un type nous a donné une quantité astronomique de vieux contacteurs rotatifs plaqués argent fabriqués pour la BBC, on a fabriqué une table de mixage avec. Graham détestait le matériel neuf, on est donc allé chez un antiquaire, on a acheté une armoire en noyer, on a retiré les portes et on avait notre châssis pour notre console. Il n’y avait qu’un réglage de panoramique et un de volume, mais il y avait 16 pistes. »
Le studio d’enregistrement attirait beaucoup de monde, Rankin travaillait comme ingénieur du son sur place et sa première session d’enregistrement eu lieu avec Basement Jaxx. C’est dans ce studio que Mark rencontra également Paul Epworth, ils travaillèrent ensemble pendant huit ans sur des albums très importants pour l’histoire de la musique.
« On a commencé avec The Futureheads [2004, The Futureheads] et tout s’est accéléré. En 2005 on a fait Bloc Party [Silent Alarm], en 2007 c’était Kate Nash [Made Of Bricks] au studio Miloco. C’étaient les premiers albums sur lesquels ont travaillé ensemble, après ça, ça a été l’effet boule de neige. »
« Paul bossait sur plein de choses et c’était vraiment sympa de travailler ensemble. J’ai beaucoup appris avec lui. C’est un super ingénieur, j’ai fait ce que je pouvais, comme je savais le faire et ça a vraiment fonctionné en combinaison avec lui. C’était comme si on était capable de se connecter et de savoir quoi faire au bon moment au même moment. »
Les autres enregistrements qui connaîtront le succès sont ceux de Plan B, The Defamation of Strickland Banks; CeeLo Green, The Lady Killer ainsi que les deux premiers albums de Florence and the Machine, Lungs et Ceremonials.
Mais c’est l’album 21 d’Adele qui aura le plus d’impact. Lors de sa sortie, il est classé numéro 1 dans plus d’une trentaine de pays, plus de 35 millions d’exemplaires sont vendus, Adele devient une superstar internationale.
« Paul a fait une session d’enregistrement avec Adele dans son petit studio londonien, » se souvient Mark. « Il y avait une petite pièce avec une batterie dans un coin, un piano droit et un bureau avec des ordinateurs. Adele est arrivée avec une idée de chanson en tête. Je n’étais pas là le premier jour et elle et Paul ont commencé à travailler sur le morceau. Le lendemain, lorsque je suis arrivé, ils avaient commencé à travailler sur Rolling in the Deep. »
Le morceau, devenu un succès international a cumulé plus d'un milliard de vues sur Youtube, c’est la signature vocale d’Adele. Mark explique comment sa voix a été enregistrée en quelques prises avec une configuration vraiment simple.
« On a utilisé un micro Rode ainsi qu’une chaîne assez simple que Paul aimait beaucoup, » explique Mark. « Il avait un Universal Audio 610 avec un compresseur et le micro Rode était branché dedans, c’est ce qui est enregistré sur l’album. C’est assez fou. »
« J’ai retrouvé la session Rolling in the Deep sur un de mes disques durs qui m’a été envoyé d’Angleterre jusqu'ici, et c’est vraiment bon. J’ai réécouté et c’est marrant d’entendre ce qu’on a fait. La reverb que vous entendais est produite par ma Roland Chorus Echo que j’ai ajouté directement. »
Capturer une voix parfaite
Après avoir enregistré des chanteurs incroyables comme Adele, Florence Welch et Josh Homme de Queens of the Stone Age, Rankin nous explique quelle est sa méthode pour réussir la prise voix parfaite.
« La chose la plus importante c’est le confort du chanteur ou de la chanteuse, il faut connaître et comprendre leurs secrets. Vous pouvez utiliser un micro pas terrible, si le chanteur est prêt à tout donner, vous aurez quand même quelque chose de fantastique, c’est la chose la plus importante. »
« La chose la plus importante c’est le confort du chanteur ou de la chanteuse, il faut connaître et comprendre leurs secrets. Vous pouvez utiliser un micro pas terrible, si le chanteur est prêt à tout donner, vous aurez quand même quelque chose de fantastique, c’est la chose la plus importante. »
« J’ai la chance d’avoir un vieux Neumann U87 qui marche avec tout le monde. Je demande au chanteur de se tenir à une dizaine de centimètres du micro et j’installe un ou deux panneaux derrière lui. Je n’aime pas trop installer un panneau devant le chanteur, je trouve que le plus important est tout ce qui capté par le micro et le plus important provient de derrière le chanteur. C’est aussi une histoire d’humeur, pour moi il faut chanter le soir, la journée ça ne donne rien de terrible. »
« Au niveau de ma chaîne audio, j’utilise un préamp Telefunken V76 et un compresseur EAR 660. Pour moi il faut que le morceau sonne parfaitement au casque également, c’est très important, il ne faut pas négliger le mixage au casque. »
« En général je fais en sorte d’envoyer la musique dans le casque des chanteurs et je gère le volume. Parfois ils veulent le contrôler mais c’est une mauvaise idée, la plupart du temps ils se mettent trop fort et leur voix est un peu fade. »
Faire une bonne prise batterie
Mark est souvent sollicité pour son expertise liée aux enregistrements studio des batteries, il a également d’excellents conseils.
« J’utilise différentes configurations, mais souvent un seul micro mono en overhead et un micro pour la grosse caisse font largement l’affaire, vous pouvez faire des merveilles juste avec cette configuration. »
« J’ajoute souvent un bon micro ruban RCA juste au niveau de l’épaule du batteur, dirigé vers la grosse caisse et la caisse claire, ce qui me permet d’avoir un son gorgé de caractère comme sur les vieux enregistrements de soul. Si vous avez trop de charleston, vous pouvez mettre ce micro de l’autre côté pour avoir plus de grosse caisse et de caisse claire. Vous avez en même temps de la puissance et un beau son niché dans les fréquences médiums. »
« J’utilise souvent un micro d’ambiance que je place au milieu de la pièce sur lequel j’ajoute de la compression. J’aime bien récupérer le son provenant des murs pour ajouter un effet de slap, j’ai utilisé cette configuration avec les Queens of the Stone Age, le son de la batterie sonne tout de suite plus vivant. »
« J’aime beaucoup les pistes de batterie un peu agressives, j’utilise un peu de distorsion. J’utilise parfois des micros de contact, ceux qu’on utilise dans les violons, j’en place sur la grosse caisse et sur la caisse claire pour obtenir un son complètement fou, j’adore ce genre d’overdrive qui en sort, c’est vraiment cool. »
Les micros préférés de Mark Rankin et quelques conseils aux futurs ingénieurs du son
« Je pense que mon vieux Neumann U87 est celui avec lequel je préfère travailler, il est toujours sur un stand, prêt à être branché, je ne le range jamais. J’ai aussi une paire de Coles 4038s que j’adore ainsi qu’un Altec 639B que j’utilise surtout pour la basse. J’ai aussi un micro ruban RCA MI-6203 qui est parfait pour les prises batterie. »
« Répondez à toutes les opportunités qui se présentent à vous. Soyez sympa avec tout le monde et offrez une bonne tasse de thé. »
À propos de son départ pour Los Angeles, Mark m’a dit : « Ma famille est venue et on est tombé amoureux de cette ville, de cette façon de vivre. Les studios de LA sont géniaux. » Il travaille maintenant avec de plus en plus de groupes américains comme Finish Ticket. Il garde son style anglais quand il s’agit de travailler sur des enregistrements.
« Répondez à toutes les opportunités qui se présentent à vous. Soyez sympa avec tout le monde et offrez une bonne tasse de thé. »